Interview sur LCI par Christophe BarbierChristophe BARBIERSégolène ROYAL bonjour.
Ségolène ROYALBonjour.
Christophe BARBIER10 924 sans papiers régularisés sur environ 30 000 c'est trop, trop peu ou juste assez ?
Ségolène ROYALCa pose surtout un problème de crédibilité de la parole de l'Etat.
Christophe BARBIERPourquoi ?
Ségolène ROYALPuisque bizarrement le chiffre de régularisés correspond au chiffre annoncé à l'avance par le ministère de l'intérieur.
Christophe BARBIERL'administration travaille bien.
Ségolène ROYALIl y a un mensonge public, puisque Nicolas SARKOZY avait annoncé une régularisation au cas par cas en examinant les cas individuels et comme par hasard, il aboutit au résultat qu'il avait affiché avant. Donc, je pense que c'est une mauvaise action, que ça n'est pas crédible et que ça va susciter en effet beaucoup de protestations.
Christophe BARBIERAlors vous l'avez dit en Espagne, vous êtes personnellement contre les régularisations massives de clandestins, pourquoi ?
Ségolène ROYALOui, parce que je pense qu'il faut avoir dans ce domaine des attitudes responsables, appliquer des critères. Mais ce que l'on peut observer aujourd'hui c'est que Nicolas SARKOZY en est sa troisième loi, je ne dis pas que se sont des sujets faciles à résoudre, mais en même temps le résultat actuel est le fruit de sa décision avec laquelle il a cassé le seul outil de régularisation en continu, c'est-à dire la carte de 10 ans qui permettait avant de régulariser tranquillement chaque anné2 ou 3 000 étrangers qui participaient à l'économie de notre pays en cassant cet outil, Nicolas SARKOZY a créé la situation actuelle qui suscite en effet beaucoup de protestations parce que l'Etat français doit, c'est sa responsabilité, établir des règles claires et ensuite les appliquer.
Christophe BARBIERAlors les appliquer c'est aussi expulser ceux qu'on a condamnés à être expulsés, il faut le faire ?
Ségolène ROYALIl faut appliquer les décisions de justice, mais là aussi il ne faut pas les annoncer et ensuite ne pas passer à l'action. Donc, je pense que dans le domaine de l'accueil des étrangers, il faut tenir les deux bouts de façon équilibrée, c'est à dire respecter les étrangers qui sont ici en situation régulière, les loger correctement, les respecter dans leur travail, ne pas tenir des propos xénophobes à leur encontre, c'est-à-dire ne pas faire l'amalgame entre tous les étrangers en France. Ensuite c'est fixer des règles claires et je l'ai dit à l'instant, la solution, comme dans tous les pays d'Europe c'est la régularisation au long cours des étrangers dont notre économie a besoin, il faut rappeler ça aussi que de nombreux étrangers sont ici en situation régulière et s'ils n'étaient pas ici se sont des secteurs entiers de l'économie qui seraient en grande difficulté. Donc, il faut faire très attention.
Christophe BARBIERVous proposez qu'un émigré travaille en France, rentre chez lui l'été dans son pays d'origine, mais ait la garantie de revenir ensuite travailler pour une saison nouvelle en échange de quoi vous ne voulez pas pratiquer le regroupement familial, c'est exactement la loi SARKOZY de juillet 2006 ?
Ségolène ROYALNon, pas du tout parce que la loi SARKOZY d'abord qui n'est toujours pas appliquée parce qu'il n'y a pas de décret d'application prévoit en effet des visas saisonniers, or dans trois ans, dans un certain nombre de secteur économique très limité. Je le rappelle les décrets d'application ne sont toujours pas sortis, c'est à dire que cette loi n'est toujours pas appliquée. Ce qui est proposé dans ce que j'ai dit, se sont des visas aller retour, qui permettent aux Etrangers de venir pour des activités saisonnières ou autres de façon régulière et de pouvoir rentrer en toute sécurité dans leur pays. L'idée ce n'est pas de revenir sur le droit au regroupement familial, mais c'est de dire ces étrangers qui seraient en situation de sécuriser par rapport à des travaux dont l'économie française a besoin et qui n'ont pas envie forcément de faire venir leur famille, mais qui le font lorsqu'ils sentent qui sont en situation d'insécurité, c'est-à-dire qu'ils restent sur le territoire français, alors même qu'il y a certains espaces de leur vie ils n'ont plus de travail et préfèreraient rentrer chez eux pour revenir ensuite lorsqu'il y a de plans de charges importants, je pense aux entreprises du bâtiment. Aujourd'hui ce n'est pas possible. Donc, ce que je dis c'est que c'est une solution intelligente, gagnant-gagnant. Gagnant pour le travailleur étranger qui n'a pas forcément envie de se déraciner et gagnant pour l'économie française qui a besoin de salariés et qui les traite mal, or elle en a besoin, c'est ça qui est injuste aujourd'hui.
Christophe BARBIERJacques CHIRAC propose une conférence internationale pour la reconstruction du Liban, êtes vous d'accord et irez-vous au Liban ?
Ségolène ROYALEn effet, je pense que c'est une très bonne initiative qui a été là proposée, j'irai au Liban si j'y suis invitée.
Christophe BARBIERL'Iran s'est mis lui-même au banc des Nations, a dit SARKOZY, il faut dialoguer a dit jacques CHIRAC et vous, vous dîtes quoi sur le dossier iranien ?
Ségolène ROYALJe pense que l'accès de l'Iran à des programmes nucléaires non contrôlés constitue un des plus grands dangers pour la sécurité de la planète aujourd'hui.
Christophe BARBIERComment on en sort ?
Ségolène ROYALComment on en sort, qu'il y ait une ouverture vers l'idée de négocier, pourquoi pas, et en même temps ce qui surprend dans la prise de position un peu brutale de Jacques CHIRAC, c'est d'abord la première question : est-ce que nos partenaires européens ont été étroitement associés à cette initiative ? Deuxièmement, est-ce qu'il est bien prudent, mais l'avenir le montrera d'afficher une position de compromis ou d'ouverture à l'égard de l'Iran, sans ouvrir en même temps aussi fermement, et sans maintenir aussi fermement la possibilité de sanctions. Enfin quelle est l'étape suivante ? Je crois que dans ces domaines là où la reprise du programme d'enrichissement nucléaire peut recommencer à tout moment, il faut là aussi maintenir les deux bouts, c'est-à-dire une ouverture au dialogue qui n'est jamais inutile, et en même temps le maintien et la preuve que le retour à une très grande fermeté est possible très rapidement.
Christophe BARBIEREtes vous choquée par la position de Nicolas SARKOZY à propos des relations franco-américaines, allié mais pas rallié.
Ségolène ROYALOui parce qu'il dit cela, mais il affiche autre chose, en tout cas ma politique diplomatique ne consistera pas à aller s'agenouiller devant George BUSH. C'est une chose l'alliance avec les Américains les Etats-Unis, c'est autre chose que l'alignement sur George BUSH. Parce que, quand Nicolas SARKOZY s'aligne sur George BUSH ça veut dire quoi ? Ca veut dire qu'il cautionne le critère de guerre préventive, ça veut dire qu'il accepte cette théorie de guerre du bien contre le mal, c'est-à-dire qu'il tolère toutes ces tentatives de déstabilisations dans le monde et cela on ne peut pas l'accepter, d'ailleurs les Français ne l'acceptent pas.
Christophe BARBIERLe Pape ne doit pas s'excuser après ses propos sur l'islam a dit Lionel JOSPIN, êtes-vous d'accord ?
Ségolène ROYALC'est à lui de voir, en tout cas ce que je veux dire, c'est qu'il n'y aurait peut-être eu cette polémique s'il avait reconnu qu'à un moment ou à un autre toutes les religions ont utilisé la violence, y compris le christianisme, souvenez-vous de l'inquisition, des croisades, des conversions forcées dans les pays pauvres et donc en ne ciblant qu'une seule des religions, c'est-à-dire en disant que cette religion là s'est parfois exercée par la violence, c'est faire une impasse sur les autres et je crois que c'est globalement l'ensemble des processus de violences. Mais en ce qui me concerne je crois que le principe de laïcité une nouvelle fois donne la bonne ligne de conduite, c'est-à-dire pas de mélange entre religion et politique.
Christophe BARBIERLe Premier ministre de Hongrie a menti sur son bilan et ses promesses, il l'a avoué, il y a des émeutes dans son pays, il est socialiste, doit-il démissionner ?
Ségolène ROYALJe le pense, même si je ne veux pas faire l'ingérence en Hongrie, mais je pense que la situation là est implosive et que la mobilisation en particulier des jeunes est une revendication aussi du respect. Je crois qu'il y a un point commun dans tous nos pays démocratiques, c'est que la parole de l'Etat doit être une parole de vérité et que les démocraties doivent être des démocraties du respect.
Christophe BARBIERAlors sans ingérence, vous êtes allée en Suède, vous avez valorisé le modèle suédois, or le pays vient de passer à droite, est-ce que ça vous interpelle, est-ce que ça vous fait penser que ce modèle est périmé ?
Ségolène ROYALD'abord ça m'attriste, moi je ne me réjouis jamais de la défaite de la gauche, dans quel que pays qu'elle se passe. J'ai observé de très près la campagne suédoise, le centre droit est arrivé au pouvoir en revendiquant le maintien du modèle social suédois, ils ont été très habiles au sens où ils ont assumé aussi cet héritage, les droits sociaux en Suède qui restent tout à fait exemplaire, puisque c'est à la fois le pays où les bas salaires sont les plus élevés où il y a le moins de jours de grève, où le dialogue social est le plus productif. Je crois que la gauche suédoise a été victime d'une forme d'usure du pouvoir, vous savez que ce n'était pas au départ Monsieur PERSONNE qui devait se présenter..
Christophe BARBIERUn peu comme en 2002 en France, vous avez dit on n'a pas les…
Ségolène ROYALUne femme qui a été assassinée, et donc je crois qu'à un moment, il y a un peu plus d'un an ça a beaucoup déstabilisé la gauche suédoise. Il y a une usure du pouvoir, il y a une soif aussi de renouvellement et de rajeunissement.
Christophe BARBIERAlors, vous avez visité en France, 30 fédérations socialistes, vous avez une équipe de travail, des porte-parole, ce soir vous réunissez pour la première fois à Bondy tous vos cercles de travail, est-ce qu'il n'est pas un peu hypocrite de continuer à dire que vous n'êtes pas sûre d'être candidate que vous n'êtes pas candidate officiellement, est-ce que vous ne pourriez pas le dire ce matin oui je suis candidate.
Ségolène ROYALEcoutez, moi je crois que l'échéance de 2007 est une échéance majeure et au cas où les militants socialistes me confieraient cette responsabilité, j'ai le devoir d'être prête, donc je travaille beaucoup, c'est vrai que j'ai créé ces comités " désir d'avenir " ce site Internet, je m'appuie aussi sur de nombreuses fédérations socialistes, de nombreux élus socialistes.
Christophe BARBIERDonc, vous êtes candidature à la candidature, dans les faits ?
Ségolène ROYALJe travaille, se sont les militants qui vont en décider et ce travail là de toute façon ne sera pas inutile.
Christophe BARBIERVous travaillez, en avril votre site Internet promettait la mise en ligne d'un chapitre de votre futur liste toutes les deux semaines, on est en septembre, il n'y a eu que deux chapitres mis en ligne, c'est surtout des notes parfois un peu éparses, est-ce que ce livre verra le jour ?
Ségolène ROYALJe le pense et en même temps la richesse des débats qui sont arrivés sur le site, sur les 11 thèmes qui sont affichés
Christophe BARBIERCompliquent la tache..
Ségolène ROYALCe n'est pas ça, mais la parole a été donnée encore plus largement aux internautes et donc j'ai laissé monter ces débats, j'ai affiché régulièrement sur chacun de ces thèmes la synthèse de tous les débats qui y arrivaient, plus mes idées aussi en liaison..
Christophe BARBIER… Vous avez de bonnes intentions, mais il manque encore les moyens concrets pour y arriver, et les financements.
Ségolène ROYALMais je crois que chaque étape mérite d'être respectées, autrement dit là je suis dans la phase d'écoutes, vous savez pour bien gouverner un pays moderne, il faut écouter pour agir juste.
Christophe BARBIEREst-ce qu'il faut après une phase de débat comme le propose Laurent FABIUS, mais de débats, non pas des discours parallèles comme annonce mais des confrontations entre les candidats à la candidature ?
Ségolène ROYALJe pense qu'il faut des débats avec les citoyens.
Christophe BARBIERMais pas sur les candidats.
Ségolène ROYALJe crois qu'aujourd'hui les citoyens sont privés de leur participation aux décisions qui les concernent et que l'intelligence collective est insuffisamment utilisée, la dynamique des territoires, la valeur ajoutée, la matière grise et moi je suis éblouie parfois de ce qui arrive dans ces débats par les citoyens qui connaissent les sujets dont ils parlent.
Christophe BARBIERMais après il faut se confronter entre candidats, non ?
Ségolène ROYALCe n'est pas de confrontation dont on a besoin, au contraire je crois que ça serait détestable, c'est pas de confrontation c'est d'intelligence collective donc de dialogue avec les militants socialistes dans un premier temps pour la désignation, mais aussi et sans attendre avec tous les Français et c'est ce que je fais.
Christophe BARBIERPour finir Ségolène ROYAL êtes vous un mythe, comme dit Patrick DEVEDJIAN ?
Ségolène ROYALJe ne crois pas, je suis une réalité et je réponds à vos questions d'ailleurs très concrètement aujourd'hui.
Christophe BARBIERSégolène ROYAL, merci et bonne journée.
Ségolène ROYALMerci.
Sources : http://www.desirsdavenir.org