C’est tout le sens du Budget Participatif des Lycées que nous avons créé en 2005, comme nous en avions pris l’engagement, et que nous sommes à ce jour la seule Région à mettre en pratique. Je vous en avais parlé l’année dernière : des décisions démocratiquement délibérées par toutes les composantes de la communauté éducative (élèves, personnels enseignants et non enseignants, parents) au fil de près de 200 réunions dans nos 93 établissements, des choix votés dans les lycées, respectés et financés par la Région à hauteur de 10 millions d’euros par an, une réponse en temps réel aux attentes sur le terrain et aussi, en retour, une transformation des pratiques de l’administration régionale et un levier d’amélioration de la qualité du service public. Une petite révolution culturelle et plus d’efficacité à la clef. Une source d’inspiration, aussi, pour nos politiques en direction des jeunes : je pense en particulier à la force avec laquelle, lors de ces réunions, s’est exprimée une demande de culture dans les lycées. Elle nous a conduits à implanter cette année dans chaque établissement un poste d’animateur culturel pour aider les lycéens à monter et mener à bien des projets dans ce domaine : une dimension forte, désormais, de la vie lycéenne et un nouveau métier, de nouveaux emplois créés pour mieux répondre à ce besoin. C’est cela, pour moi, la démocratie participative : des usagers du service public décidant de l’usage des fonds régionaux, des contribuables décidant de l’utilisation de leurs impôts. Que n’avons-nous pas entendu lorsque nous avons lancé cette démarche novatrice ! Cela ne pouvait pas marcher, c’était inutile de demander aux élèves leur avis sur leurs attentes : elles étaient déjà bien connues, etc. etc. Ca marche et c’est l’occasion de découvrir beaucoup de besoins jusque là inaperçus, comme l’ont reconnu les équipes de direction des établissements à l’occasion des discussions et des votes du Budget Participatif.
Pour l’emploi, nous avons mobilisé toutes les touches du clavier à notre disposition (nos compétences en matière de formation et de développement économique) et inventé de nouveaux outils qui pourraient, demain, être généralisés à l’échelle nationale :
- des bourses tremplins régionales pour celles et ceux qui veulent créer leur activité et leur emploi (plus de 2000 projets de micro-entreprises ont ainsi été aidés). En regardant le détail des premières attributions, je me suis aperçue que les jeunes des quartiers populaires n’en faisaient pas partie : l’information n’était pas parvenue jusqu’à eux ou, quand c’était le cas, ils n’osaient pas franchir le pas ; nous avons décidé que c’était à la Région d’abolir la distance et d’aller vers eux pour qu’ils puissent, eux aussi, bénéficier d’un dispositif dont ils pensaient qu’il n’était pas fait pour eux. Nous avons aujourd’hui une tente itinérante qui fait étape dans les quartiers et rend effectivement accessible à tous l’aide apportée par la Région ;
- une charte d’engagement signée par les entreprises destinataires de subventions régionales et par laquelle elles s’engagent à ne pas délocaliser et à ne pas licencier tant qu’elles font des bénéfices (832 emplois créés) ; par ailleurs, la Région ne finance pas celles qui recourent à des emplois précaires (CNE) ;
- le développement des éco-industries et le soutien aux activités porteuses d’emplois d’avenir ;
- le soutien à l’apprentissage (doublement du nombre des places, renforcement de la qualité de la formation, extension de la formation en alternance à l’enseignement supérieur) et le paiement du permis de conduire à tout élève réussissant son CAP, afin que plus un jeune ne sorte du système scolaire sans diplôme et sans métier ; ceci, bien sûr, dans le cadre du respect de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et non, comme l’avait proposé le gouvernement, de cet apprentissage à 14 ans auquel nous sommes totalement opposés ;
- la création de bourses jeunes chercheurs avec contrat de travail pour supprimer la précarité du statut des jeunes chercheurs doctorants, résultat du désengagement de l’Etat et de la paupérisation de la recherche dans notre pays qui conduisent à une désastreuse fuite des cerveaux à l’étranger (200.000 chercheurs européens sont expatriés aux Etats-Unis) ; l’investissement dans la recherche et l’innovation est une clef majeure de la croissance et des emplois de demain et d’après-demain, dramatiquement délaissée par le gouvernement : c’est ce qu’à notre échelle, nous nous efforçons de compenser ;
- la création de 3000 emplois tremplin pour les jeunes (dans les associations et les entreprises) sur les 5000 prévus durant la mandature ;
- le recrutement d’un animateur culturel par lycée, dont je vous parlais en évoquant le Budget Participatif ;
- le soutien à l’emploi des femmes de plus de 50 ans ;
- le soutien au micro-crédit et à l’économie solidaire, une dimension très importante de la création et de la reprise d’entreprises par leurs salariés, sous forme notamment de coopératives ouvrières de production, que nous traitons comme une filière économique à part entière ;
- et enfin, la préfiguration à l’échelle régionale de ce que pourrait être une véritable sécurité sociale professionnelle nationale avec la création d’un compte formation universel qui rend effectif le droit à la formation continue tout au long de la vie et permettra d’assurer la continuité des parcours professionnels sans passer par la case chômage ; nous l’avons conçue à l’occasion de l’annonce d’un plan de licenciements très lourd dans notre Région et nous nous sommes beaucoup mobilisés pour y arriver ; c’est une démarche inspirée de ce que j’avais pu observer lorsque je suis allée en Suède et dont j’avais discuté avec l’ancien Premier Ministre socialiste qui a créé au Danemark un dispositif pionnier de sécurisation des parcours professionnels.
Ces efforts convergents ne sont pas étrangers au fait que la Région Poitou-Charentes arrive, dans le dernier classement réalisé, en tête de toutes les Régions pour les créations d’emplois. (+ 13,5%). Ils montrent que l’on peu conjuguer l’efficacité économique et l’efficacité sociale, la lutte contre la précarité et la performance des entreprises, le soutien à leur dynamisme et l’instauration de règles justes dans une perspective gagnant-gagnant.
C’est avec la même volonté d’inverser le cours des choses que nous voulons faire de notre Région un exemple d’excellence environnementale et nous engager, en dépit des politiques nationales timorées de la droite et de l’absence de fiscalité environnementale réellement incitative, dans la préparation de l’après-pétrole. Nous agissons en direction des particuliers, des collectivités et des entreprises pour les inciter et les aider à se convertir aux énergies renouvelables en finançant l’implantation de chauffe-eau solaires (taux d’équipement 2 fois supérieur à la moyenne nationale), de capteurs photovoltaïques, de chaudières à bois, de récupérateurs d’eau, en épaulant le développement des agro-carburants (site pilote, alternative à l’agriculture intensive) et de l’énergie éolienne, en appliquant à la construction d’un nouveau lycée sans énergie fossile le principe « zéro pétrole », en soutenant un réseau des éco-industries que nous avons mis en place avec tous les acteurs du secteur (chercheurs, entreprises, etc.) et promouvant l’utilisation d’huile végétale dans les engins des agriculteurs.
Je suis, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ardemment attachée à une transformation radicale de notre aide au développement dont les montants font honte à la France et dont l’efficacité est loin d’être optimale. Les actions de coopération avec des pays du Sud dans lesquelles la Région est engagée procèdent d’une autre démarche : priorité aux circuits courts et aux relations de réciprocité entre acteurs de terrain d’ici et de là-bas sur la base d’un échange entre partenaires et d’un apport réciproque. Nous avons en effet autant à apprendre d’eux qu’à leur apporter et il est temps de débarrasser les relations de coopération de ces relents de néo-colonialisme qui, aujourd’hui encore, les imprègnent parfois.
Nous le faisons dans la région du Tamil Nadu en Inde, touchée par le tsunami mais délaissée par l’aide internationale, en partenariat avec des ONG locales, en combinant micro-crédit, formation et soutien scolaire, activités porteuses de revenus réguliers et d’autonomie pour les femmes, réhabilitation des terres rendues impropres à la culture par le sel marin, création d’activités agricoles, implantation de systèmes de stockage et de distribution d’eau potable dans les villages, production d’électricité à partir de biogaz, gestion des déchets, par le biais d’une démarche de démocratie participative fondée sur la reconnaissance de la capacité d’expertise des habitants.
Eco-industries, culture et coopération sanitaire au Vietnam, collaboration autour de la filière caprine au Sénégal et de la production ostréicole au Brésil, toutes les actions que nous menons sont fondées sur la conviction que l’efficacité et la solidarité supposent autre chose que le point de vue d’experts plus ou moins lointains, l’imposition non négociable des technologies du nord ou l’unilatéralisme des bons sentiments : des projets bâtis ensemble, l’implication des populations et des acteurs locaux car il s’agit des moyens de leur autonomie, une échelle territoriale permettant d’échapper à la crise des résultats de nombre de coopérations inter-étatiques.
Tel sont notre état d’esprit et notre manière d’agir, fondés sur la conviction que les citoyens ont une capacité d’expertise légitime et doivent prendre plus directement part aux décisions qui les concernent pour que l’action publique soit forte de cette intelligence collective et réponde plus efficacement à leurs attentes.
Je vous remercie et je vous souhaite de très bons travaux.
Sources : http://www.desirsdavenir.org